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on n’avait pas cru que ÇA viendrait, la submersion rouge et totale. Quelque chose qui était sorti de terre, des moindres pores de sa peau et qui s’était répandu comme une œuvre vivante de maculage et d’étranglement. Au début, des taches dans la mer, des feux de pins, des inondations inhabituelles, des glaciers qui fondent, des rochers qui se décrochent, des tempêtes qui déracinent les chênes, des sècheresses, des séismes exotiques… À l’échelle de la terre, rien, en somme, qu’une ordinaire manifestation d’un désordre à la recherche d’un équilibre. C’est du moins ainsi que nos savants analysaient les phénomènes sporadiques qui nous rendaient spectateurs de mille délires géologiques. Ça divertissait les gens situés à leur périphérie et qui éprouvaient de surcroît la jouissance d’avoir été épargnés. Mais le jour où ils virent les arbres de leur voisinage renversés devant leur porte, l’eau envahir leur salon, les fumées d’incendies boucher leur ciel, ce jour-là leur jouissance spectatrice tourna au vinaigre. Les animaux avaient déjà payé un lourd tribut à l’invasion tentaculaire. Leurs cris de détresse avaient été l’ultime avertissement avant l’assaut final. Maintenant la chose était là. Elle dévorait la force du monde, elle engluait les croix, elle collait aux violons, elle renversait les trains et les voitures, elle vidait les bébés de leur sang, elle ne jouait plus avec les jouets, faisait barrir les éléphants pris dans les mailles d’une puissance folle, grimpait à l’assaut des rochers pour atteindre les vautours qui attendaient la putréfaction des cadavres avec l’espoir de festoyer, sans savoir qu’eux aussi, à ce moment-là, ils seraient emportés par le même mal. Dans leur désarroi,

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