EREVAN FOR EVER (4)

Publié le : 01-07-2006


Je marche sur l'avenue Abovian, et par moment, me traverse l'impression que mes pas épousent le sol, que mes chaussures embrassent la pierre du trottoir au lieu que je sois avec la levée du pied dans l'inadéquation permanente. Par moment, je passe à l'intérieur des signes comme s'ils étaient l'effet d'une signature personnelle, comme si m'y noyer, c'était en quelque sorte y être né. Certes, quand je parle au bouquiniste de cette même rue Abovian, installé près du Café de Paris, il me reconnaît comme un autre, comme un qui n'est pas dans la même galère que lui. Et bien sûr, par mes demandes, je me définis comme celui qui est toujours en instance de quitter ces lieux pour d'autres plus conformes à son esprit. Mais il m'arrive, avant même que mon accent ne me trahisse, qu'un autochtone me parle comme à un autochtone. C'est alors que je me perçois dans un autre monde que celui où j'ai mes habitudes, mes itinéraires obligés, mes paysages. Je me sens alors passer dans la ville tellement les bâtiments et les monuments que je côtoyai trente ans auparavant, aussi inchangés que des mythes inamovibles, sont eux-mêmes dans ma mémoire comme s'ils y avaient semé ces instants que je vis aujourd'hui. Non qu'il me plaise à les retrouver comme constituant le cadre ancien d'une période de mon existence, mais plutôt en ce qu'ils sont des éléments permanents de ma personne. Ici, je ne suis ni seulement ni tout entier en voyage, je suis dans la respiration des choses. Aspiré par elles avant d'être expulsé, je déambule en proie à un impossible remue-ménage mental dû au va-et-vient de ces vagues qui me prennent et me rejettent, qui me prennent et me rejettent.

 

 

 

 

 

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