2ème partie.


" Vos chevaux doivent hennir ! Du rythme, plus vite…
Soyez fanatiques… "

Sergueï Paradjanov

1

Voici :
Où je suis né, la paille sentait l'esprit souverain du soleil, la terre vous harcelait de ses poussières.
Où je suis né, la comédie demeurait inhumaine, le combat inégal.
Une harmonie cherchait fortune dans les cœurs, tandis qu'on écrasait son œuvre sous le poids des devoirs vertigineux.
J'ai marché, sachez-le, si large dans vos couloirs, que mon ombre éveilla les plus durs scepticismes.

2
Ni savantes, ni serviles mes images.
Mais proposent l'inavoué.
Leur physionomie anéantit un pouvoir que niaiserie ou soumission ont sur elles exercer.
Écoutez plutôt le massacre qui se fait dans nos jardins. C'est là que je cherche mes équivalences.

3
Aliments éternels ! Aliments éternels !

4
C'est fait ! Les chantiers vers la sagesse promise ont produit leurs niaiseries et leurs blessures. Ce qu'on devait adorer dégage une odeur forcenée d'hypocrisie. Les Proverbes se voulaient magnétiques à produire leur musique amoureuse. Et voici que leur Vision avilit l'esprit de qui vient, par hasard, de les entendre. Après nos presque dieux, passés maîtres dans la mise en cage du lieu et du temps populaires, les bouffons retournent sur la terre pour l'improvisation de plus neuves tendresses et pour la pacification des corps.

5
Ce que vaut le martyr mis au rebut : dix mille aveugles d'une ville pour lesquels il a osé donner sa voix à tout ce qu'il voyait de maladies civiques. Il s'agissait pour lui de faire sortir la vie de la mesure des textes… qu'elle s'accordât avec la vie telle que chacun la préférait.

6
Ainsi avec mes mains j'ai recréé devant les yeux du peuple le chaos bouillonnant des couleurs. J'ai forcé de multiples passages à la lumière jusqu'au cœur de leur tête où nidifiaient ces idéaux logiques ennuyeux.

7
Me retrouver vivant dans les ruelles de ma ville ! Inespéré, la chose inaccessible. Pourtant je ne me suis pas dérobé devant le Feu : j'ai dit que l'homme avait honte (et mal) d'être instruit à trahir, à préférer sa crainte aux amitiés humaines. Et le feu m'a haché de délires. (Les nuits ne me reposent plus. Je voulais vivre sous le soleil intelligible à toute victime, pour le corps conduit dans la boue vers la purification des pactes désignés et raisonnables, pour obtenir, plus tard cette mort où chercher, chercher encore, les yeux éteints, une harmonie ni vieillie ni vulgaire… éveillée !) Un or remue derrière la mort, à nos combats déraisonnables, en ce pays géant de folie froide, d'âmes teintes, et d'introuvables sens aux neiges et aux nuits.

8
Quoi ! Ils éternisent leur royauté féroce, malade, comme une science de proverbes, qui gouverne partout et tout.
Écoutez : les murs sont un tel sable ! et les muscles se trompent, comme l'arc présomptueux ; mes rationalités cosmiques ne rassasient plus personne. Le Temps, insomniaque, maître des foules, qu'écrira-t-il de nous, et de lui donc ?

9
Sur les Écrans officiels, dans l'esprit des esclaves, j'écrivis de vrais chevaux vivants.
Écoutez l'éphémère frise traverser vos ciments et sommeils.
Chevaux vivants, leur sang dans la chair lente !
Ils effraient tous les mensonges, les sentiments rugueux, les anathèmes à fleur d'éclatement.

10
J'eus le dédain héroïque pour les Pères rédacteurs de proverbes. Dans leur boue, la foi n'a pas glissé. Dans leur cage dorée où s'engraissent les oies militaires. Illisible population de christs et de socrates (et de larrons !) après les gloires, les premiers disciples, les procès, jugée comme l'esprit-du-cancer pour le peuple visible des rues et nourri aux averses verbales désespérantes.

11
L'homme
Ne soit immobile, face aux dieux,
Et l'État
.

12
" Je me suis cherché moi-même. " Dans mes yeux dévoués, et dans mes ignorances. Je me suis ignoré. Les morts ont rejeté plus loin et pour mille ans l'enfance et l'harmonie. Tout est malade, esclave, rassasié. On incendie l'intelligence, on saccage les sagesses physiques. Toute faim d'être, d'eau sacrée, est honteuse comme limites à l'âme. La loi mesure la foule ; mais au-delà des cercles politiques où broute un vil bétail, commence la virginité, commencent la liquéfaction de l'inhumain et la dilution de la parole gouvernante. Car notre enfer (invisible, rationnel, physique) s'il nous torture, nous taille à l'aune des grands proverbes, s'il nous insulte par le Froid, augmente l'acide et sécheresse des bourreaux, nourrit la pensée des martyrs.
Qu'il soit fait de l'enfant non un mime, non une théorie… mais une altération.

13
" La peinture, mouvante, et comme un art de source, a mûri de mal vivre dans les grimaces. Seul le corps, seul, l'enivrement venu, intente un procès aux amarres déshonorantes. Se complaire dans la tiédeur, dans les cercles tissés, autour de soi, de mortels avantages…. Tel est le mauvais traitement infligé à notre esprit de voyageur, vierge, et vert. Tant de choses inertes, de conventions rationnelles, de maternelles phrases où tout un peuple se vautre, se vend, se dépèce… alors que moi, dans la perversité des mes refus, j'ai cherché le mal juste, le tourbillon d'images, vers plus d'être. Qu'il soit dit ! Que l'éducation atteindra au plaisir de savoir, que l'amour prendra son goût dans tous les hommes…. Ainsi aille tout homme … dans la respiration du monde. Les entreprises asservissent à leurs pas la musique, la lecture et les Actes - vers l'asphyxie. Vers l'asphyxie on administre tous nos biens de naissance. Ah ! tous nos devoirs et nos fréquentations intimes ! Mes chevaux ont flotté plus intenses qu'un étendard au maximum de sa joie. Mes chevaux dans l'excès de leur âme, comme un lâcher de flammes sur les esprits… Les tranquillités sont dangereuses, et les résignations ne sont un genre de vie pour l'homme. Applique ta voix à l'espoir d'hommes instruits contre leur temps. Le bonheur parle toujours, comme l'harmonie à louer, dans la fréquentation assidue de nos folies. "

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