Le 6 janvier 2003, les habitués du forum des Nouvelles d'Arménie Magazine virent s'afficher un texte : Les Arméniens sont de grands bâtisseurs, " posté par Tarara Taratata ". Un autre texte suivit le lendemain, puis un autre, et ainsi jour après jour, durant une année, soit jusqu'au 5 janvier 2004, le nom de l'auteur ayant mué entre-temps en Tara Tata, pour faire plus simple.

Lieu de discussion et d'information, où chacun intervient avec le masque d'un pseudonyme ou à découvert avec son propre nom, le forum des Nouvelles d'Arménie Magazine était, pour un écrivain, l'occasion d'une forme inédite d'écriture. Lié au pari de se mettre quotidiennement à table, d'envoyer son billet d'humeur à des inconnus et de recevoir à chaud leurs réactions, il s'imposait comme un mode de rapport inédit entre l'auteur et ses lecteurs. Chaque texte de Tara Tata, posté en général tôt le matin, à l'heure du petit déjeuner, arrivait comme un tison pour réveiller les cendres de l'inconscient, comme une gifle, un souffle, une caresse.

Et comme toujours avec Denis Donikian, Hayoutioun (qu'on pourrait traduire par arménité) se prête à une pratique buissonnière de la lecture, permettant à chacun d'y entrer selon sa fantaisie, par n'importe quelle page, ou de suivre telle ou telle séquence, celles-ci développant sur plusieurs jours une même thématique, qu'il s'agisse d'une réflexion philosophique ( Nomadisme et sédentarité), d'un guide de voyage ( Arts bizarres de voyager en Arménie), de variations oulipiennes sur le Tararat (Trente-six vues de mont Tararat), de divagations sur les proverbes arméniens (Explications de nos proverbes), d'histoires humoristiques (Faits et gestes de Nazar arpar), d'aphorismes féroces (Pensée unique. Pensée inique. Pensée cynique) ou même de traductions (de quelques jeunes poétesses d'Arménie).

Chronique d'un voyage au cœur des mentalités arméniennes (d'Arménie ou de la diaspora), ce livre invente des situations insolites ou explore des événements survenus en cours d'année pour proposer un regard critique sur certains agissements avoués, dévoués ou dévoyés.

Jamais livre n'aura dit des choses aussi sérieuses sans jamais se prendre au sérieux, tout en déflorant les tabous ou en effleurant les gouffres de cette arménité, trop humaine et si universelle, à la manière d'un Pantchouni ou d'un Nasrédine Hodja qui auraient fréquenté la modernité et voyagé sans cesse de Diaspora en Arménie, et non inversement.